RPMF : "Rumeur, rumeurs, vous avez dit Rumeurs ?"
Le sage n'affirme rien qu'il ne prouve. Examinons donc ces "rumeurs" dont Jean-Laurent Turbet pense avoir trouvé les traces...
Dans un plaidoyer dont le sérieux est à souligner, Jean-Laurent fait état de rumeurs, plus spécialement sur la blogosphère, à propos de la RPMF et de la création d'une "confédération".
Et pour bien faire comprendre de qui il parle, il me fait l'honneur de me citer à propos du ... GADLU. Outre que cela pourrait me propulser vers des cimes de spiritualité que je n'aurais jamais même oser ambitionner, je vais essayer de vous dire plus prosaïquement les sources d'où je tire mes propos ; ce sont des textes et des déclarations clairement identifiées.
Sur le GADLU
Parler du Grand Architecte de l'Univers revient à constater que les obédiences françaises ou les Loges qui placent leurs travaux sous ses auspices n'en ont pas la même représentation, la même acception. Alors, quelle est cette référence qui fait l'objet d'une "invocation" au REAA ? Il peut désigner Dieu ou un principe organisateur suprème, en tout cas une Transcendance.
Et Michel Singer, passé Grand Chancelier de la GLDF précise chez JLT, que ce débat est une spéficité française car :
Sur les environ 3 millions de maçons à travers le monde, seuls les environ cent mille maçons français sont concernés par une approche adgmatique de la pratique maçonnique. Tous les autres pays du monde ont des obédiences ou sans équivoque, le symbole du Grand Architecte de l’Univers représente Dieu, tout simplement.
Pour Alain Juillet, Grand Maître de la GL-AMF, obédience membre de la future "confédération", il n'y a pas de doute : "le GADLU est Dieu".
Et puis, il y a cette déclaration de Marc Henry, GM de la GLDF, au Figaro-Magazine du 21 décembre 2012, qui place sa réflexion dans une perspective rien moins que laïque en parlant du "message révolutionnaire de Jésus", parfaitement fidèle en cela au rituel du 2° du REAA à propos des "Grands Initiés".
Je respecte cela. Ce n'est pas ma profession de foi, mais j'accepte que ce soit celles dans laquelle se reconnaissent nombre de Francs Maçons et Franc-Maçonnes.
Mais, en quoi le dire serait faire courir une "rumeur" ?
Sur l'initiation féminine
En s'abritant derrière le fait que c'est elle qui a remis la patente du REAA à la GLFF, la GLDF refuse d'ouvrir ses travaux en présence des Soeurs ! Le problème que je pose est dans ce refus.
On notera que cette remise n'a pas dû être si simple puisque la GLDF aura mis "un certain temps" à la rendre officielle. En effet la GLFF, créée officiellement en 1952 mais en gestation avec l'Union Maçonnique Féminine depuis 1946 adoptera le REAA en 1959. Elle devra attendre le 19 mai 2006 et la Grande Maîtrise de Marie-Françoise Blanchet pour cette remise officielle, selon JLT lui-même. Pour information, la pentente du Rite Français lui avait été remise par le GODF le 10 mars 1973...
La GLDF s'abrite derrière sa tradition, son choix et sa spécificité. C'est effectivement son choix et il lui appartient légitimement. Mais pourquoi chercher à le dissimuler par des contorsions organisationnelles qui mettent les lombaires à rudes épreuves... ?
Jean-Laurent donne une indication de ce qu'est cette reconnaissance de l'initiation féminine lorsqu'il précise dans son plaidoyé :
D’ailleurs les loges de la GLDF peuvent organiser des « cérémonies de réception des frères et sœurs des obédiences amies ».
Quelles sont ces "cérémonies de réception" ?
S'agit-il d'un retour aux sources de la Maçonnerie d'adoption, rite abandonné en 1959 par la GLFF ?
Ou seront-elles maçonniques au sens de nos rituels ? Et si j'anticipe en répondant non, me taxera-t-on de faire courir une "rumeur" ?
Sur la "rupture"
Elle est prescrite par la déclaration de Bâle,tel que cet extrait le précise :
Les cinq Grandes Loges considèrent donc qu'une chance historique est venue pour cette Grande Loge de concrétiser
cette aspiration en assumant tous les choix que cela implique, à savoir en particulier :
- de
continuer à œuvrer dans le respect des principes fondamentaux de la Franc-maçonnerie régulière ;
- de rompre sans ambiguïté avec les Obédiences non régulières ;
- d’observer les us et coutumes internationaux en vigueur entre une Grande Loge et un Suprême Conseil.
L'expression est claire, presque tautologique : "rompre sans ambiguité". Cette prescription, particulièrement exigeante, impacte la tradition maçonnique française où les intervisites sont effectivement et fort heureusement la règle.
C'est une réalité fortement ancrée dans les orients (villes où se situent les Loges maçonniques) en province, puisque, le plus souvent un même temple accueille les différentes obédiences. Les déclarations du GM de la GLDF semblant garantir la poursuite de ces intervisites risquent de se situer dans cette zone couverte par l'expression "sans ambiguïté". D'autant que le GODF étant propriétaire de beaucoup de ces sites, c'est lui la puissance accueillante dans maints endroits.
Alors, "rompre sans ambiguité", dans ces conditions, posera(it) "quelques" problèmes dont on peut comprendre qu'il faille en minimiser l'impact.
Mais, rappeler cette exigence, est-ce une "rumeur" ?
Par ailleurs, au sein de la "confédération" la question des intervisites pose problème. S'il est vrai que Marc Henry souhaite fortement maintenir le principe d'intervisites hors confédération (et on comprend pourquoi, 3.000 Frères de la GLDF sont accueillis dans des locaux GO et 800 Frères du GO le sont dans des locaux GLDF), Alain Juillet semble s'y opposer fortement.
Est-ce là encore une "rumeur" ? Si oui, alors il sera utile d'avoir une déclaration d'Alain Juillet et la question sera entendue. Sinon...
De son coté, Jean Dubar, GM de la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra (GLTSO), donne ainsi son sentiment sur cette exigence :
Nous n’allons pas renier ceux avec qui nous avons travaillé par le passé et continueront à apporter notre participation aux colloques publics et autres réflexions sur des sujets de société pour peu que ceux-ci ne revêtent aucune connotation politique ou religieuse.
Traiter de sujet de société sans connotation politique... De quoi s'agit-il ? De métaphysique, de discussions germanopratines ?
Et puis, là encore, on voit réévoquer les "colloques", c'est-à-dire les réunions non maçonniques. Ils sont avancés comme gage de non rupture. Cela trompe qui ? La reconnaissance maçonnique se fait dès le début des travaux rituels. C'est cela qui est déterminant !
"Rumeur" ?
Sur la Régularité
C'est finalement LA question de base de la RPMF, posée d'entrée de jeu par la déclaration de Bâle, sur le constat de la carence de la GLNF.
Au sein des 5 "confédérés", elle est posée dans des formes apparemment "différenciées". Si Marc Henry semble dire que ce n'est pas la priorité, elle l'est nettement pous Alain Juillet. Voici ma source, (en fin d'article).
Challenge bien réel derrière lequel elle court depuis de longues années, l'obtention de la "Reconnaissance de Régularité" donnera-t-elle à la GLDF la sérénité à laquelle elle aspire ?
Rumeur ?
Quelques questions pour conclure.
Pourquoi donc qualifier de Rumeurs des propos qui se veulent informatifs mais aussi interrogatifs sur un processus dit de RPMF qui suscite de vraies interrogations ?
Pourquoi dénaturer mes propos alors même que l'obédience à laquelle j'appartiens, le GODF, se trouve elle aussi dans le "paysage maçonnique français" ? Ce processus m'intéresse dans ses conséquences sur la vie maçonnique française.
Pourquoi s'ingénier à minimiser les conséquences de ce processus, que ce soit Jean-Laurent ou quelques facebookiens manifestement "confédérés", qui va opérer de vrais changements, et pour longtemps, dans ce paysage mais aussi dans la GLDF elle-même ?
Pourquoi transformer ces interrogations en "peur (au GODF) de n'être plus la première obédience" quand on met soi-même en avant les effectifs de la "confédération" (fourchette basse) si ce n'est pour, soi-même, s'inscrire dans ce genre de compétition ?
Et puis sur les 5 obédiences qui composent la "confédération", on observera que la GLDF se retrouve aux cotés des 4 obédiences issues de scissions d'avec la GLNF : la GLTSO (en 1958), la LNF (en 1968), la GL-AMF (le 28 avril 2012) et la GLIF (le 25 septembre 2012). Piment supplémentaire dans la raison d'être de cette "confédération".
Reste la GLTF, dernière obédience issue de la GLNF le 19 janvier 2013, qui reste en dehors, pour l'instant, de la perspective confédérale.
Dernière question :
Que pense "Brother Edward" de cette "so british" ébullition ?
Prince Edward, Duc de Kent et de Stratheam, Grand-Maître de la Grande Loge Unie d'Angleterre
Belle perspective de débat avec
Roger Dachez
Président de l'Institut Maçonnique de France
lors de la Tenue qu'il va animer sur
"Régularité : Histoire et Complexité",
le jeudi 21 février à 20h00 à Cadet
Gérard Contremoulin
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