Sans "Intérêt Général", pas de République.
Illusion d'optique d'Ouchi.
Le tout est différent de l'ensemble de ses parties. Il en est de même dans la conception française de l'Intérêt Général qui n'est pas la somme des intérêts particuliers. Il est l'intérêt propre d'une collectivité qui transcende celui de ses membres.
De son coté, le crédo du libéralisme consiste à développer cette idée que l'individu est, en toute situation, plus vertueux que le groupe, le citoyen plus que la Nation et le consommateur plus que le citoyen jusqu'au triomphe de l'individualisme !
N'est-il pas temps de retourner vers un peu plus d'idéologie républicaine ?
On penserait à tort que la République n'est qu'un système politique. Née "institutionnellement" d'une seule voix avec l'amendement Wallon, la République est bien plus qu'un système institutionnel, c'est d'abord un ensemble de valeurs. A ce titre, elle est toujours l'objet d'un rapport de force.
Certes, elle n'est plus cette "gueuse" que vilipendaient ses adversaires et notamment le général Changarnier en 1873 ou le maréchal Pétain en 1940, mais elle est cet ensemble de valeurs, cette idéologie selon laquelle existe un "Intérêt Général" qui préexiste aux intérêts particuliers et qui en encadre le développement au sein d'une même communauté, la Nation.
L'Intérêt Général exprimé par la Loi.
La manifestation la plus immédiate de l'intérêt Général est la Loi. Elle est votée par le Parlement. C'est l'Assemblée Nationale et le Sénat, la "Représentation Nationale" et constituée par les représentants élus du peuple français. Et si la loi est l'expression instantanée, une sorte de photographie à un moment donné de l'état de l'opinion, elle étend l'ensemble de ses dispositions à tous les citoyens sur le territoire de la République. De ce point de vue, les exceptions à cette règle sont extrêmement rares et si elles s'expliquent par l'histoire (concordat d'Alsace-Moselle) elles n'en sont pas moins criticables !
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L'individu d'abord.
Au contraire de la conception française, la conception anglosaxonne n'oppose pas l'Intérêt Général aux intérêts particuliers et en est même la somme, selon Adam Smith, dès 1776. Il estime en effet que celui qui lutte pour l'amélioration de son propre sort, contribue, "à son insu", à l'amélioration générale de la société.
En France, en 1791 (le 17 juin), c'est par la loi Le Chapelier et avant elle le décret d'Allarde, qui consacre le pouvoir de l'homme nouveau sur les corporations et le "libère" des entraves que faisait peser sur lui une conception encadrée de l'exercice des métiers. Pour lui assurer la "liberté d'entreprendre", les révolutionnaires de 1789 pensaient qu'il fallait briser l'organisation du travail basée sur les corporations. De ce fait, toute organisation collective des salariés fut interdite et notamment, les syndicats et bien sûr le droit de grève !
Son crédo était simple : rien ne doit s'interposer entre le citoyen et l'Etat. Au nom du libéralisme des Lumières, la Révolution interdisait le fait collectif... Ce qui fera dire à Jaurès que cette loi fut une "loi terrible" et à Emile Olivier, "une erreur fondamentale". Il faudra attendre 1884 et l'adoption de la loi Waldeck Rousseau pour qu'il soit possible de créer des syndicats.
Le lobbying contre la démocratie.
La conception anglosaxonne s'accompagne néanmoins d'une organisation collective de la manifestation des intérêts particuliers. Elle justifie la mise en place de groupes de pressions susceptibles de faire valoir auprès des décideurs, y compris les législateurs, des intérêts particuliers.
Le libéralisme comme idéologie de l'individualisme.
Si la loi Le Chapelier est bien abrogée, subsistent aujourd'hui encore, dans les esprits libéraux, quelques uns de ses principes qu'ils érigent en revendications : un marché du travail ultra flexible, une réglementation minimale, une forte individualisation des relations du travail, un affaiblissement du syndicalisme, ...
Dans cette conception largement inspirée puis entretenue dans les travaux de quelques lobbies ou think tanks célèbres dont le Council on Foreign Relations (CFR créé en 1921), le groupe Bilderberg (créé en 1954), ou la commission Trilatérale (créée en 1973), la défense et la promotion de la réussite individuelle ne concerne pas le citoyen lambda auprès duquel on vante néanmoins ses mérites et à qui on fait miroiter ses bienfaits mais exclusivement destinées aux propriétaires des capitaux qui circulent dans le monde d'une entreprise à l'autre, au gré de l'importance des dividendes distribués ! C'est donc un leurre. J'entends déjà les arguments des pourfendeurs de la théorie du complot. Ils auraient parfaitement raison si les acteurs et les politiques poursuivies et surtout leurs résultats avérés ne venaient corroborer ces objectifs poursuivis par ces "groupes de réflexion".
Ce qui est symptomatique, c'est la volonté de réduire toute perspective d'évolution, d'émancipation à la dimension individuelle, survalorisée en culte du moi, nécessairement compétitif, winner, superman. Qui ne voit qu'il s'agit là d'un moyen, purement idéologique, de réduire la force que peut détenir un regroupement humain autour de valeurs communes, de corrompre par le culte de la compétition toute expression de la solidarité, de réduire à l'état d'individualités concurrentes les membres de cette même communauté d'intérêts qu'est l'Humanité. Et à partir du moment où chacun ne se conçoit que comme un individu qui s'additionne à un autre, il n'est pas loin de n'être plus qu'un numéro parmi les autres.
Où se conjugue libéralisme, valeurs chrétiennes et extrême droite.
Dans la situation que nous traversons aujourd'hui, le culte des intérêts particuliers balkanise la société en autant de groupes antagonistes. Et ceux-ci se multiplient alors que d'autres reprennent de la vigueur, principalement à l'extrême droite ! Que ce soit le Bloc identitaire, le GUD, Civitas, Dissidence Française, et souvent se retrouvent sur le blog d'Alain Soral, où chez les cathos tradi : Alliance Vita (Christine Boutin), Pro-Vie ; plus ou moins regroupés da,ns "le Printemps Français"...
Il faut s'attendre à une multiplication des actes minoritaires de rétorsion, de vexation, de révoltes, notamment contre le Mariage pour Tous comme ce blocage du TGV ramenant Caroline Fourest de Rennes, de tabassage dans un bar gay, etc.
Plus complexe est le cas de celles et de ceux qui, sous couvert de défense républicaine, ont abandonné l'universalisme laïque des valeurs républicaines au profit d'une concentration contre l'islam comme Riposte Laïque ou Résistance républicaine. Souvent constitués d'anciens "frères d'armes" militants de luttes communes, les voici désormais voisins de combat de l'extrême droite ! Ne parlent-ils pas du 6 février 1934... L'histoire, parfois, bégaie.
Gérard Contremoulin
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