Spiritualité laïque : innovation, alliance de mots ou contresens ?
Depuis que le ministre de l'Education Nationale, Vincent Peillon, a réintroduit dans les préoccupations officielles la notion de "morale laïque", ce sujet a fait florès. Certains y ont vu le retour de l'apprentissage des devoirs à coté de celle des droits ! Et pour nourrir cette initiative, on a même fait appel à la "spiritualité laïque" ! C'est alors que l'on a probablement tutoyé le contresens absolu !
Le Penseur de Rodin
Pourquoi et dans quel objectif veut-on associer ces deux termes ?
Veut-on dire que la Laïcité, comme les religions, serait susceptible de définir des obligations au nom d'une transcendance ? S'il en était ainsi, alors il y aurait un "catéchisme" de la Laïcité qui transmettrait une loi morale...
Catherine Kintzler parle là de contresens dans un article de son Blog "Mezetulle" en 2009 dont je prends cet extrait de l'introduction : "si par « spiritualité » on entend ce qui relève d’une aspiration à la transcendance – telle qu’on la trouve dans beaucoup de religions – parler de « spiritualité laïque » serait un contresens, car ce serait situer la pensée laïque sur le même plan qu’une croyance religieuse."
Veut-on parler d'un "retour au primordial", sorte d'adhésion à des normes incontournables où l'introduction de la Laïcité jouerait un rôle d'atténuation de la référence à la Transcendance, transformée en un rituel de quotidienneté ? Mais toute tentative de banalisation dans ce domaine est vouée à l'échec puisqu'on reste dans le domaine de la Transcendance, un peu comme ........
Veut on parler d'un oxymoron comme le chercheur italien Lumare Giusi, qui a publié une thèse : « La spiritualité laïque et l'éducation. De la pensée de J. Krishnamurti à la recherche action dans une école italienne », sous la direction de René Barbier. Elle convoque tour à tour Henri Pena Ruiz et Jiddu Krischnamurti, pour trouver dans la "philosophie" de ce dernier la condition pour atteindre la spiritualité laïque, reconstruction de l'unité de la conscience... cette quête d'un "homme nouveau à naître" !!!
Veut-on parler d'une "nouvelle" spiritualité ? Le champs d'investigation de l'intelligence humaine est certes sans limite et l'on peut beaucoup penser la quête d'un absolu qui se situerait aux confins de nos imaginations... Encore que cette démarche façon New Age, nous a déjà conduit sur les rivages obscurs de l'irrationnel. Les "nouvelles spiritualités" désignent depuis, purement et simplement, les sectes et leurs ribanbelles de charlatans.
Veut-on parler, comme il existe une école sans dieu, celle de "la Gueuze" (la République), d'une spiritualté sans Dieu, comme André Comte-Sponville ? C'est une thèse qui est certes alléchante mais qui reste située dans les murs du religieux et semble attester qu'on ne peut même envisager de parler de spiritualité indépendemment de l'évocation de Dieu, ne serait-ce que pour le nier !!! On trouvera ici un interview croisé avec Matthieu Ricard (l'interprete français du Dalaï Lama)...
Veut-on parler de la volonté de trouver une place à la laïcité, qui serait acceptable par ceux qui précisément n'en veulent pas telle qu'elle est ? Veut-on la transformer pour la rendre ainsi tolérable par les tenants d'un univers du spirituel, loin des conditions concrètes de la vie sociale ? Ce serait là encore un contresens car la laïcité est précisément un ensemble de règle de la vie sociale qui exclut toute volonté d'hégémonisme mais qui n'est pas non plus un oecuménisme. La Laïcité n'est pas une démarche spirituelle de plus mais un cadre social qui les permet toutes...
Et, enfin, pourquoi ne pas dire, directement qu'un franc-maçon n'a pas, forcément, besoin d'une béquille, fut-elle "spirituelle" pour "maçonner"...
Et si, beaucoup plus simplement, on parlait de "pensée laïque", une bonne manière de penser laïque...
Gérard Contremoulin
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