Suspension de Schengen : un pas de plus vers la politique du FN ?
"Suspendre" le principe de libre circulation des personnes, même si c'est évoqué, à titre provisoire, dans les accords du 14 juin 1985, signés à Schengen, apparaît comme une incongruité, comme une ombre au tableau de la conquête progressive des Droits de l'Homme qui se revendique et s'étend depuis la Libération de juin 1944.
Sur fond de mondialisation de l'économie, de la libre circulation des capitaux comme axe central du libéralisme, voici que ce gouvernement envisage de limiter celle des personnes !
Cette orientation politique à un goût vieillot, comme un retour au vieux démon de la xénophobie, un remugle vichyste…
Aujourd'hui que la libre circulation des personnes s'impose comme une évidence, n'est-il pas absurde de penser trouver dans sa restriction une solution à la situation (d'ailleurs prévisible) de crise issue des révolutions tunisienne et égyptienne ? Plutôt que de voir dans la mobilisation de ces peuples un pas décisif vers la démocratie et de leur témoigner une solidarité active, la France leur envoie un signal de rejet.
Il n'y a pas de quoi en être fier !
Bien sûr, on essaiera d'opposer respect des droits de l'Homme et crise économique.
Contrairement à l'interprétation erronée de l'expression d'un premier ministre de gauche, la question n'est pas d'examiner si nous pouvons "accueillir toute la misère du monde" mais d'envisager des relations de coopération fraternelles entre les peuples et en l'occurrence, ceux du bassin méditerranéen, "pour en prendre fidèlement sa (la France) part".
On l'essaiera d'autant plus que la perspective de la campagne présidentielle déporte vers la droite extrême le centre de gravité de la droite "classique". Nous avons maintenant beaucoup de signes, beaucoup de témoignages de l'orientation xénophobe pro FN qu'elle va prendre. Le débat sur Islam et Laïcité de l'UMP, les déclarations du ministre de l'intérieur sur la hausse de pratiquants de la religion musulmane, …
De cela nous n'avons pas, non plus, de raison d'être fiers !
Et puis, en tant que Franc-Maçon, je souhaite que la Franc-Maçonnerie française exprime une protestation solennelle sur cette dangereuse mise en cause de la politique humaniste qui, bon an mal an, s'est développée depuis une cinquantaine d'année en Europe et à ses frontières et qui a consolidé la Paix. Cet état de Paix que nous avons réussi à maintenir pendant plus d'un demi-siècle (venant après les deux conflits mondiaux qui ont ensanglanté la planète) ne repose-t-il pas aussi sur l'acceptation de l'autre, de ses traditions, de sa langue, de sa culture ?
Pouvons-nous accepter, sans protester, la mise en cause de ce droit fondamental de la personne humaine, qu'est celui d'aller et venir ?
Vraiment cette hypothèse de suspendre, même provisoirement, Schengen envoie un bien mauvais signal aux peuples méditerranéens dans le contexte qui est le leur actuellement. Mais ce contexte est AUSSI le nôtre. Leurs révolutions nous concernent, tant politiquement, économiquement que culturellement et surtout philosophiquement.
On ne transige pas sur un tel principe !
Décidément le zèle de Guéant nous empêche de marcher…