Un avatar maçonnique : les "fraternelles"
La Franc-Maçonnerie se vit en Loge !
Tout ce qui se propose d'exister en dehors n'en est-il qu'un avatar, un "canada-dry", les "Fraternelles" par exemple ? le GODF a décidé en 2002 de les exclure de ses perspectives...
C'est Alain Bauer, alors Grand-Maître du GODF, qui avait lancé la réflexion sur ces organisations paramaçonniques à un moment où certaines faisaient parler d'elles à propos de scandales, notamment immobiliers.
Le 12 décembre 2002, il donne un interview au Nouvel Observateur où il parle de "l'éradication des Fraternelles" .../... "Il y a eu des pourris, des corrompus et des salauds qui se sont servis de la maçonnerie. La question pour nous était de savoir où se situait le réseau. Et ce que nous avons découvert, c'est que cela ne se passait pas dans les loges, mais dans les fraternelles et dans des structures inventées pour permettre à des frères et à des soeurs de se rencontrer et de faire des affaires."
C'est d'ailleurs à ce sujet qu'il devait parler de "karchèrisation"... dans la continuïté d'une politique initiée par le Grand-Maître Philippe Guglielmi (1998-2000) et qui consistait à couper tout lien avec l'affairisme, réel ou supposé, de membres du GODF. Et l'on remarquera que c'est pour cette raison que le convent du GODF a doté le Conseil de l'Ordre de la possibilité de "suspension à titre conservatoire" avec constitution de plainte devant l'instance juridictionnelle interne.
Pourquoi ces affaires révélées par la presse ?
Soyons clair : si l'on attend de la Franc-Maçonnerie l'occasion d'accroître son carnet d'adresses, qu'on n'y entre pas ! Celles et ceux qui viendraient pour cela n'ont RIEN à y faire.
"Si tu viens ici par intérêt : va-t-en !" C'est ce que l'on peut lire dès les premières minutes de présence en Franc-Maçonnerie.
Ces "affaires" ne concernent que peu de personnes. Certes, c'est déjà beaucoup trop mais il ne faudrait pas réduire les près de cent cinquante mille Maçonnes et Maçons à ces quelques cas.
Au contraire de ces exceptions condamnables, il faut savoir que les francs-maçons se font un devoir de "répandre les vérités acquises". Cette recommandation se conjugue avec l'engagement de chacune et de chacun dans sa vie personnelle et professionnelle où "ils feront aimer notre ordre par l'exemple de leurs qualités, ils prépareront par une action incessante et féconde, l'avènement d'une humanité meilleure et plus éclairée." Cet extrait de notre rituel revient sur la dimension morale de l'attitude maçonnique en insistant sur l'exemplarité.
Alors, à quoi servent les Fraternelles ?
Cette question est au coeur du sujet et les maronniers de la presse s'en font surtout l'écho lorsque des scandales affairistes surviennent en y impliquant des Francs-Maçons. Creusons donc du coté de la réalité des pratiques de la Franc-Maçonnerie et des liens entre les francs-maçons.
Ils s'obligent à la Solidarité et à l'assistance mutuelle. Certains y voient la preuve de cet affairisme supposé, voire la garantie de l'impunité puisqu'ils devraient se soutenir en toutes circonstances ! C'est un argument spécieux et particulièrement faux.
Le penser c'est d'abord oublier qu'ils s'obligent, simultanément, à l'étude de la morale. Chaque Maçon, en conscience, doit faire la part des choses entre ces deux obligations : morale et solidarité... Il exerce son libre arbitre pour déterminer son attitude. Il est donc faux d'affirmer qu'un franc-maçon doit soutenir un autre franc-maçon, quelles que soient les circonstances ! C'est lui ou elle qui choisit, toujours, en dernier lieu d'être ou non solidaire. Car la dimension morale du serment maçonnique doit primer pour chacune et chacun dans l'observance du devoir de solidarité.
Ensuite, on peut faire le parallèle avec la philosophie du contrat d'association de la loi du 1° juillet 1901, largement imprégnée de la réflexion maçonnique. Cette loi permet que "deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices" (article 1). Et le code général des impôts parle même alors de gestion "désintéressée".
Car il y a fraternelle et fraternelle.
Il existe plusieurs catégories de fraternelles. Celles qui se fondent sur un regroupement d'affinités de recherche, de partage d'expériences sociales et humaines et celles qui se fondent sur un regroupement professionnel, corporatif. De sorte qu'un Franc-Maçon conséquent devra s'interroger toujours sur le véritable objectif poursuivi par un regroupement fraternel avant d'entamer sa démarche d'adhésion.
C'est ce qui avait conduit Alain Bauer a prendre une position sans ambiguité : "Au Grand Orient, une loge de dentistes ou de magistrats, ça n'a aucun sens. Nos loges ont un caractère géographique et nous avons une opposition quasiment compulsive vis-à-vis des fraternelles professionnelles. Nous considérons que les fraternelles d'idées sont légitimes : des fraternelles de socialistes, de laïques, d'enseignants, ça ne nous pose pas de problème. Mais une fraternelle du bâtiment ou du matériel hospitalier, là, la dimension ésotérique nous échappe un peu."
Une question sensible.
On le voit, la question des fraternelles est complexe. Les pratiques obédientielles sont différentes. Les préconisations adoptées dans les années 2000 par le GODF restent parfaitement d'actualité.
Par exemple, les obédiences autoproclamées "régulières" interdisent tout débat de caractère social dans les loges, c'est une des conditions de la "Régularité", et dans le même temps, laissent libre cours aux fraternelles. Elles permettent aux membres de ces obédiences de se rencontrer en dehors et, éventuellement, d'y traiter de ce qu'ils ne peuvent traiter à l'intérieur. On a vu, avec les dossiers instruits par le juge de Montgolfier à Nice, le rôle joué par certains membres de la GLNF. On a vu aussi en d'autres lieux des "affaires" aussi peu reluisantes mettant en cause des membres d'autres obédiences et notamment du GODF. Lesquels ont été suspendus à titre conservatoire, quand ils n'ont pas démissionné...
La Grande Loge de France, qui revendique pourtant la reconnaissance de cette Régularité anglosaxonne, va même pourtant jusqu'à en faire la promotion en accueillant la "2° journée des Fraternelles", rue Puteaux.
Ce type de promotion laisse planer une grande ambiguité entre d'une part le travail maçonnique qui se déroule dans les locaux des obédience et l'accueil des fraternelles dans ces mêmes locaux. Ce qui tend à légitimer leurs activités, parfois, regrettables.
Tout comme serait parfaitement regrettable et particulièrement "déplacé" la mise en place de fraternelles politiques dans les collectivités territoriales à la veille des élections !!!
Gérard Contremoulin
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