Dissolution de la MIVILUDES : Nunez la confirme au Sénat.

Le Gouvernement a confirmé la rumeur qui courrait depuis le mardi 1° Octobre : il dissous la MIVILUDES dont il rattache les restes dans un service du ministère de l'Intérieur en les fondant dans la déradicalisation. Les sectes peuvent lui dire merci.

Quelles victimes accepteront désormais de s'adresser à la police pour avouer qu'elles se sont faites abuser ?

Voici la question du sénateur de Saint-Pierre et Miquelon Stéphane Artano et la réponse du gouvernement par la voix du secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur Laurent Nunez (alors que le ministre Christophe Castaner était présent !).

Mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires 

M. Stéphane Artano . -  (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE) Une mission d'information du Sénat, conduite par Jacques Mézard et Alain Milon, proposait 41 recommandations pour la lutte contre les dérives sectaires. L'efficacité de la Mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), créée en 1996, n'est plus à démontrer : en témoigne sa récente révélation d'un essai clinique non autorisé sur 350 personnes atteintes d'Alzheimer et de Parkinson. 

Unique au monde car à la fois observatoire et régulateur, elle nous est enviée par tous. Or depuis un an elle n'a plus de président et des rumeurs de rattachement circulent, au ministère de l'Intérieur, auprès du Bureau des cultes ou auprès du Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation. Cela signifie-t-il qu'elle perdrait ses pouvoirs en termes de police judiciaire ? Quelles sont vos intentions ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et RDSE ; Mmes Valérie Létard et Pascale Gruny applaudissent également.) 

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur . - Depuis 2002, la Miviludes a analysé le phénomène des dérives sectaires, coordonne la prévention de la répression et forme les agents publics tout en sensibilisant le public aux dérives sectaires.

Depuis lors, d'autres organismes ont vu le jour qui nécessitent un meilleur partage des informations et des compétences, parce qu'ils travaillent également sur les phénomènes d'emprise mentale et autres, tel que le secrétariat général du Comité de prévention de la délinquance et de la radicalisation. C'est pourquoi il a été décidé de rattacher la Miviludes au ministère de l'Intérieur, conformément au rapport de la Cour des comptes de 2017. Mais ses moyens et ses missions ne sont aucunement remis en cause. Il n'est pas question de revenir en effet près de vingt ans de bilan très positif. (M. le Premier ministre approuve ; applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Retrouver ce texte ici.

Commentaires de texte.

"Mais ses moyens et ses missions ne sont aucunement remis en cause. Il n'est pas question de revenir en effet ("sur" ajout NDLR) près de vingt ans de bilan très positif".

D'abord si la MIVILUDES a été effectivement créée en 2002, c'est par transformation de la MILS, créée en 1995 par Alain Juppé, sept ans plus tôt. De sorte qu'il ne s'agit pas de "près de vingt ans"  mais plus de vint-cinq ans de "bilan très positif".
Cette omission est significative de la volonté de réduire à la fois l'action de cette politique publique et de passer sous silence sa transversalité qui aura été suivie et soutenue par toutes les sensibilités républicaines de la représentation nationale depuis vingt cinq ans.

Ensuite, le secrétaire d'Etat omet de préciser qu'avec cette transformation-dissolution, la Mission perd son caractère interministériel et, facteur significatif, elle ne conservera plus que quatre personnes pour effectuer les missions qui jusque là, en nécessitaient une vingtaine.

Enfin, alors que le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur étaient présents, la position du gouvernement a été apportée par le secrétaire d'Etat. Signe, s'il en était besoin, qui traduit la dimension qu'accorde désormais le gouvernement aux  missions de la MIVILUDES.

"M. le Premier ministre approuve"

Les choses sont désormais officiellement claires.

"applaudissements sur les travées du groupe LaREM"

Cette décision est donc soutenue par sa majorité. A la différence des membres du gouvernement, ceux des assemblées parlementaires sont élus par les citoyens. Ils auront donc, sénateurs et députés, à répondre de leurs actes.

Que dire des autres groupes ? La loi dite "About-Picard" tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires, était rapportée au Sénat par Nicolas About, sénateur "Union Centriste". Sa famille politique a-t-elle souhaité s'en souvenir en marquant sa distance avec cette décision...

Quoi qu'il en soit, ils devront, le moment venu, eux aussi nous en dire davantage.

Conséquences.

Le Gouvernement d'Edouard Philippe raye ainsi vingt cinq ans de lutte contre les dérives sectaires alors que, "dans le même temps", ces pratiques se multiplient et se diversifient dans les domaines de la formation, du coaching, du "Bien Etre", de la santé. 

Le Gouvernement d'Edouard Philippe commet là une erreur fondamentale dont les conséquences vont pouvoir désormais atteindre les personnes en état de faiblesse, ce que chacun d'entre nous peut devenir à un moment de sa vie. Elles seront laissées maintenant seules dans un face-à-face avec leurs agresseurs.

C'est une vision bien libérale de considérer que l'Etat n'a pas à intervenir pour prévenir les abus d'état de faiblesse sur les individus. Des délits commis par des charlatans qui vendent (très chers) leurs poudres de perlimpinpin, des guérisseurs qui proposent leurs remèdes et recommandent d'abandonner les protocoles thérapeutiques établis par des spécialistes, des coaches sans vergogne, des dispenseurs de rêves qui profitent du désarroi humain. 

Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur avait reçu à Bercy l'acteur Tom Cruise, ambassadeur de la Scientologie. Suite à cette visite, l'idée de rattacher la MIVILUDES auprès du ministère de l'Intérieur avait été émise.

L'acteur Tom Cruise, figure emblématique de la Scientologie, recruté par L. Ron Hubbard himself.

Devenu Président, il nomme directrice de son Cabinet Emmanuel Mignon une jeune conseillère d'Etat, qui confiait à VSD (n° 1591 du 20 février 2008) dans un entretien qui fit polémique, qu'elle ne connaissait pas le dossier des sectes (voir ici, ici) mais laissait entendre qu'elle n'en pensait pas moins : les sectes auraient été un non problème en France.

Le Président Emmanuel Macron, à son tour, a reçu l'ambassadeur de la Scientologie, le 14 juillet 2018 à l'Elysée à l'occasion, officielle, du tournage parisien de "Mission impossible".

Le mandat du président de la MIVILUDES, Serge Blisko, prenait fin au mois d'octobre suivant. Après des débats internes au sein du gouvernement, l'étude de candidature pour sa succession, finissait par tourner court. Un an plus tard, quasiment jour pour jour, le projet sarkosyen était mis en oeuvre.
 

Les deux visites de Tom Cruise auront fini par porter leur fruit.

Gérard Contremoulin

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