La "loi Veil", "l'Appel des 343". Petit retour sur une conquête fondamentale...
Le 26 novembre 1974, l'assemblée Nationale adopte la loi sur la dépénalisation de l'Interruption Volontaire de Grossesse, dite "loi Veil". Elle sera définitivement adoptée le 17 Janvier 1975. Moment capital dans la conquête des droits des femmes, cette loi est le résultat d'une longue et profonde mobilisation dont cet "Appel des 343", publié par "le Nouvel Obs" le 5 avril 1971.
Rédigé par Simone de Beauvoir, il commence par ces phrases :
« Un million de femmes se font avorter chaque année en France.
Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples.
On fait le silence sur ces millions de femmes.
Je déclare que je suis l'une d'elles. Je déclare avoir avorté.
De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l'avortement libre. »
Signataire de cet appel, Catherine Deneuve signe aujourd'hui un article en hommage à Simone Veil dans le Huffington Post : "C'est bien d'être une femme".
Extrait :
En ce qui concerne ma participation au Manifeste des 343 publié par le Nouvel Observateur, je n'imaginais pas un seul instant qu'elle serait reprise avec autant de violence et de grossièreté. J'étais d'autant plus inquiète qu'au moment de sa parution, j'étais à l'étranger. Mon avocat m'a appelé pour me dire que certains noms étaient cités, pas d'autres, et me raconter l'effet que cela avait produit chez les commentateurs. Puis, ma crainte s'est vite estompée, le contenu et la portée politique du Manifeste m'importaient bien plus. Oui, ce Manifeste était un acte politique, pas une confession.
Avec le recul, je ne souhaite pas tirer de la fierté de cet engagement. J'estime ne pas avoir fait un acte héroïque en le signant. C'est la folie qui s'est emparée des hommes à sa parution qui lui a donné une telle dimension.
Ce temps fort prend place dans un processus qui démarre en 1810 avec l'adoption de l'article 317 du Code Pénal qui criminalise l'avortement et le rend donc passible des assises..La loi du 31 juillet 1920 poursuivra cette criminalisation et interdira toute propagande anticonceptionnelle...
Lucien Neuwirth et "La Pillule contraceptive".
Premier temps fort de la conquête de la maîtrise par les femmes de leur corps, le contrôle des naissances devient possible avec Lucien Neuwirth qui fait adopter le 19 décembre 1967 la loi autorisant la contraception orale, la pillule contraceptive.
Il ouvre une nouvelle étape dans ce long processus de la conquête de l'égalité Femme-Homme.
Le Procès de Bobigny
Autre temps fort de ce mouvement, à l'automne 1972 s'ouvre le procès de Bobigny. L'avocate Gisèle Halimi y joue un rôle majeur dans la stratégie qu'elle adopte pour défendre ses clientes, une jeune fille et sa mère. Elle obtiendra l'acquittement.
Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny
Les Mouvements de Libération de la Femme.
Appuyée par la mobilisation du "Mouvement Français pour le Planning Familial" (MFPF) et le "Mouvement pour la Libération de la Femme" (MLF) avec Antoinette Fouque et son mouvement "Psyc & Po" (Psychanalyse et Politique), ce procès devient celui de la loi interdisant l'avortement et pénalisant lourdement celles et ceux qui les pratiquaient ! La loi de 1920 fut la cible du Mouvement "Choisir" fondée par l'avocate et Simone de Beauvoir.
En février 1973, des mèdecins publient un Appel déclarant qu'ils pratiquent des avortements. C'est le manifeste des "331 mèdecins".
La même année, le Mouvement pour la liberté de l'Avortement et de la Contraception (MLAC) est créé par le MFPF et le MLF. Il cessera son activité avec l'adoption de la loi Veil. Ce qui permet à Monique Antoine, sa présidente, de parler de "De l'illégalisme à la loi".
Dessin de Claire Brétécher
L'actualité de ce processus.
La phase la plus récente est la modification législative consistant à supprimer la notion de "situation de détresse".
Il faut rappeler que cette notion avait été négociée par Simone Veil avec les parlementaires de la majorité de droite pour pouvoir faire voter sa loi...
L'opposition à cette modification d'Hervé Mariton que l'on avait beaucoup vu et entendu lors des manifestations des opposants au mariage pour tous montre que le rapport de force de 1974 est toujours actif 40 ans plus tard...
Samedi dernier, "Libération" publiait un nouveau manifeste des 343, inspiré par l'association "Osez le Féminisme", dont le texte fait explicitement référence à celui de 1971. Il réclame l'égalité Hommes femmes "dans les têtes et dans les faits". Parmi les signataires, Carole Bouquet, Christine Ockrent, Elisabeth Guigou ou Florence Foresti.
On annonce l'adoption cet après midi d'une résolution par l'Assemblée Nationale... Une analyse des résultats de ce vote permettra d'envisager les prochaines phases de ce processus.
Gérard Contremoulin
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