8 janvier 1996, le Président François Mitterrand décédait.

François Mitterrand restera le seul Président de la République Française  à avoir siégé quatorze années.

Deux septennats au cours desquels la France adoptera des lois majeures tant sur plans économiques que social que sociétal ; vivra plusieurs crises nationales et internationales ; connaîtra deux "cohabitations" institutionnelles et franchira des caps essentiels dans la construction européenne.

François Mitterrand savait les étapes qu'il lui fallait franchir pour atteindre ce but. De 1969 à 1981, de l'élection présidentielle où le candidat de la gauche ("M. X" alias Gaston Defferre fera moins de 5%) à celle de 1981, il les construit patiemment.

D'abord reconstituer l'unité des socialistes autour d'un parti (le PS d'Epinay), d'un programme (Changer la Vie) et une stratégie (l'union de la gauche avec le PCF) ; puis rassembler les forces de la gauche autour d'un programme (le programme commun de gouvernement) et d'une candidature d'abord commune puis unique (la sienne).

Rassembler les socialistes, qui l'aurait cru possible lors du congrès d'Issy-les-Moulineaux de 1969 ? Et pourtant ce fut chose acquise deux ans plus tard à Epinay/Seine...

Rassembler la gauche, qui l'aurait cru à l'écoute des confidences de coulisses d'un meeting au Havre du dirigeant communiste Roland Leroy ? Et pourtant ce fut le cas avec la signature du Programme Commun de Gouvernement en 1972.

Prendre le risque d'annoncer être défavorable à la peine de mort quelques jours avant le 1° tour en 1981 alors qu'une majorité de français se prononce pour son maintien puis gagner néanmoins l'élection, François Mitterrand assuma ce risque.

Remporter l'élection présidentielle après vingt-trois ans d'une éclipse politique post guerre d'Algérie et la naissance de la V° République et l'hégémonie de la droite depuis le retour de De Gaulle en 1958, qui pouvait le penser possible ? Et pourtant, le 21 mai 1981, François Mitterrand entrait à l'Elysée sur la base des "101 propositions", inspirées par le programme commun de gouvernement de 1972.

Remporter à deux reprises cette élection capitale en France et assumer quatorze ans de mandat présidentiel dans un contexte international en proie aux crises multiples, François Mitterrand fut ce président. Homme de lettres, fin politique, brillant orateur, l'image du Sphinx qui lui était parfois accolée ajoutait à la dimension d'un personnage passionnant.

Ce qu'il a accompli est soumis désormais à l'appréciation publique. Parmi ses actes, d'innombrables peuvent être retenus comme jalons. 

L'abolition de la peine de mort, plaidée à l'Assemblée Nationale par le Garde des Sceaux Robert Badinter.

Le renforcement de la coopération franco-allemande, pierre d'angle de la construction européenne. "Es Lebe die Deutsche-Französiche Freundshaft". L'amitié, bien réelle qui l'unissait à Helmut Kohl en fut le moteur.

Les ombres.

Se tenir à l'écart du panégyrique autant que de la contestation systématique est un exercice périlleux, tant ce président que j'ai apprécié, possédait de facettes. Autant l'homme que le politique n'aimait se confier, laissant aux commentateurs selon leur humeur ou leur projet, le soin de reconstituer un puzzle où la pudeur le dispute à l'intimité, la réserve à la prudence et l'habileté à la dissimulation.

Deux regrets : l'abandon du projet dit du "SPULEN" (Servie Public Unifié de l'Education Nationale) dont le ministre Alain Savary était porteur et son choix de laisser penser que le changement de politique de 1984 n'en n'était pas un.

Le premier constituait une étape importante dans la bataille que l'enseignement catholique n'a cessé de mener depuis la loi de 1905. Le SPULEN était une occasion de permettre à l'Etat de concentrer ses moyens sur l'école publique et rendre l'enseignement vraiment universel. Le retrait du projet fut un signal adressé aux catholiques les plus traditionalistes que l'Etat ne se mettrait pas en travers de leur volonté de faire perdurer un dualisme scolaire pénalisant pour le service public d'éducation. Cet abandon fut aussi à la base du départ de Pierre Mauroy de Matignon.

Le second, en n'expliquant pas ce que pouvait être une politique social-démocrate après la stratégie de rupture des années Mauroy. Il a laissé penser que la nouvelle politique menée par Laurent Fabius n'était que la suite, corrigée, de la précédente. Occasion manquée qui continue de brouiller toute référence à la social-démocratie. Le paradoxe de cette séquence est que Pierre Mauroy était, lui, un authentique social-démocrate, sachant assumer une politique nationale tout en pratiquant un réel dialogue social  avec les organisations syndicales.

Je crois aux forces de l'esprit et je ne vous quitterai pas.

Depuis vingt-cinq ans, le déroulement de la vie politique a permis de peser les aspects des deux septennats mitterrandiens et de faire apparaître leurs points forts pour la France, l'Europe et le monde. Tant dans ses dimensions nationale qu'internationale, l'influence de la France s'était affermie. Cinq mandats et quatre présidents après, les différences sont sensibles.

Mais il en est une qui parait essentielle aujourd'hui. Lors de ses derniers voeux, le Président François Mitterrand faisait aux français cette confidence, lui qui avait parfaitement conscience du temps qui lui restait à vivre. 

A partir de 7'26.

Gérard Contremoulin

______________________________________________