Reprendre le contrôle du Proche-Orient...

La situation géopolitique au Proche-Orient, qui ne cesse d'empirer dans l'horreur, mobilise beaucoup d'experts qui exposent leurs analyses.

Sous la Voûte Etoilée relaye ici deux d'entre eux, particulièrement clairs et expérimentés, Alain Bauer et Dominique de Villepin.

Alain Bauer rappelle que le conflit qui oppose le Hamas à Israel intervient dans le contexte incertain de qui assurera le leadership de la reprise en mains de la région, de la Turquie, de l'Iran ou du Qatar. Alors, la seule question qui se pose en réalité dans un tel contexte est de savoir si Israel bombardera l'Iran.

L'un des bandeaux publié par LCI au cours de l'interview d'Alain Bauer

Avec la compétence qu'on lui connaît, il développe une analyse stratégique très documentée sur cette question du leadership. 

Il explique comment le Hamas s'est transformé, tant par l'acquisition de compétences que par l'achat et/ou la fabrication de matériels en quantité susceptible de répondre à la supériorité technologique israélienne, et comment finalement il a réussi à s'imposer par un effet de "submergation".  

D'autant que le Hamas est puissamment soutenu par l'Iran, ainsi qu'il le reconnaît lui-même. Rappelant le titre de l'un de ses ouvrages : "Les terroristes disent toujours ce qu'ils vont faire et nous faisons d'immenses efforts pour ne jamais les écouter", Alain Bauer rappelle les notes transmises depuis juin par les services de renseignements israéliens et les décisions aveugles et contradictoires du gouvernement Néthanyaou dont le cumul a facilité l'opération du Hamas.

Il confirme l'analyse du Quai d'Orsay concluant sur l'entrée de la région dans un processus d'embrasement. Que l'Iran chiite soit la cible d'Israel n'est pas forcément mal jugé par les pays sunnites (Egypte, Syrie)...

Pour lui, la France, quoique diminuée dans la région, peut encore jouer un rôle, notamment dans les négociations tant pour la libération des otages capturés par les différents groupes agissant à Gaza. Le Hamas est traversé de plusieurs courants et les derniers évènements ont renforcé les plus extrémistes.

Il rappelle enfin que parmi les prisonniers palestiniens détenus dans les geôles israéliennes se trouve Marwan Marghouti qui, s'il était libéré, pourrait tout à fait offrir une voie de résolution du conflit...
 

Dominique de Villepin, ancien Premier ministre et surtout le ministre des Affaires Etrangères du célèbre discours de l'ONU, livre son analyse de la situation.

Il exprime d'abord sa surprise 

"par l'ampleur, par l'horreur, par la barbarie qui s'est exprimée ce 7 octobre et qui nous appelle tous à un devoir d'humanité, de solidarité vis à vis d'Israel et du peuple israélien.

Puis il tient à évoquer le contexte de la situation du peuple palestinien dans la bande de Gaza :

"Je ne suis pas surpris par cette haine qui s'est exprimée, quand on se rappelle, à Gaza, depuis 2006, la guerre de 2008, de 2012, de 2014, encore en 2021. Quand on se souvient de ce que nous avons tous dit comme témoins sur place de cette prison à ciel ouvert, on parle de cocotte minute, qu'une telle situation puisse inventer l'enfer sur terre. Alors, oui, on se dit que quelque chose a été ratée.

Puis il élargit vers la responsabilité de la communauté internationale, maitrisant parfaitement ce que le silence et la nuance des mots peut révéler :

"Ratée par nous tous, par l'ensemble de la communauté internationale et que l'amnésie qui a été la nôtre, l'oubli qui a considéré à imaginer que cette question de Gaza, que cette question palestinienne allait pouvoir s'effacer. S'effacer devant un accord économique, un accord stratégique et diplomatique qui serait en quelque sorte le substitut à cette tragédie. Parce qu'il y là une tragédie avec deux regards, deux points de vue, deux expériences de l'histoire. Et c'est ce qui fait qu'il est si difficile, aujourd'hui, de sortir de ce qui est un engrenage de la violence et de l'horreur."

Il revient sur l'étonnante faiblesse israélienne autour de la bande de Gaza et insiste, lui aussi, sur le risque d'embrasement en estimant que le gouvernement israélien, otage de son extreme droite, fait l'amalgame entre Hamas et peuple palestinien.

"Le Hamas n'est pas le peuple palestinien."

"Combattre le Hamas n'est pas enfermer le peuple palestinien."

Fidèle à l'engagement de Jacques Chirac pour la solution contenue les accords d'Oslo, il plaide pour les deux Etats. Il défend même l'idée que c'est la seule manière d'assurer la sécurité d'Israel.

"Plus que jamais, la solution de deux états est aujourd'hui la seule, .../... c'est aussi la seule garantie que peut avoir Israel".

Il évoque enfin, lui aussi, l'existence de Marwan Marghouti...
 

Deux spécialistes, deux humanistes.

Le propre des analyses d'Alain Bauer est de nous aider à regarder au dessus de l'immédiateté des faits pour élargir notre perception au niveau des rapports de force géostratégiques.

L'expérience diplomatique de Dominique de Villepin permet, ici, d'expliquer à la fois la complexité de la situation, les voies à explorer et les perspectives réelles de solutions. Pour lui l'Europe n'est pas actuellement à la hauteur, mais la France, en toute lucidité, doit occuper sa place. Il insiste sur l'attitude qu'il faudrait désormais adopter en privilégiant une vois politique qui suppose que les décideurs de la communauté internationale fassent le voyage du Levant pour trouver une issue autour de l'existence de deux Etats. 

De toute évidence, et aucun ne le nie, il est urgent de comprendre qu'il faut agir.

De l'intérêt de maîtriser l'écartement des branches du compas...

Gérard Contremoulin

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