L'inexcusable absence.
Où étiez-vous ?
Dans la nuit du 25 au 26 juin, vers 2 heures du matin, l'assemblée nationale a adopté l'article 38 de la loi "Pour une société de confiance". En repoussant un amendement, les députés ont ainsi retiré les associations religieuses lobbyistes de la liste des groupes d'intérêt. Vous trouverez ici le compte rendu des débats.
Plusieurs amendements avaient été déposés, presque à l'identique, (n°35, déposé par la Nouvelle Gauche (socialiste) ; n°134, déposé par la France Insoumise et n°139, déposé par certains membres de La République En Marche) qui s'opposaient à ce retrait.
Un seul a été soumis au vote public, le n°35. Il a été repoussé par 3 voix seulement de majorité (88/85) sur les 104 députés ayant déposés les amendements. Cherchez l'erreur.
Certains députés étaient absents de l'hémicycle.
Les militants laïques attendaient que ceux des députés qu'ils pensaient concernés par la défense du principe de Laïcité dans nos institutions envoient un message fort à la société. Quelle désillusion !
Leur absence accorde aux cultes un statut privilégié de toute première importance. A quoi servent leurs discours laïques enflammés, leurs serments de fidélité à la loi de 1905, leurs dénonciations des actes pro religieux des dirigeants de notre pays ?
L'analyse du vote public sur l'amendement 35 est édifiante. Elle en dit long sur la faiblesse de la mobilisation parlementaire des gauches sur la défense de la Laïcité. Elle montre le peu d'engagement concret des députés lorsqu'il s'agit de passer à l'acte. Et pour un député, voter est un acte concret, c'est surtout celui pour lequel il a été élu.
Où étiez-vous ?
alors qu'il a manqué 3 voix...
Clémentine Autain
Ugo Bernalicis
Christophe Bouillon
Luc Carvounas
Eric Coquerel
Alexis Corbières,
Laurence Dumont
Olivier Faure,
Stéphane Le Foll
Jean-Luc Mélenchon,
George Pau-Langevin
Adrien Quatennens
François Ruffin,
Boris Valhaud,
Manuel Valls
et tant d'autres ?
Les amendements.
Parmi les absents, il y a un certain nombre de signataires des amendements déposés !
Rédaction de l'amendement 35 et objet
ARTICLE 38
Supprimer l’alinéa 2.
Liste des signataires de l'amendement 35.
Mme Rabault, M. Faure, Mme Karamanli, Mme Battistel, M. Vallaud, Mme Untermaier et les membres du groupe Nouvelle Gauche.
Rédaction de l'amendement 139 de Stéphanie Kerbahr :
même exposé des motifs que le 35 mais la suppression porte sur l’alinéa 3.
Liste des cosignataires de l'amendement 139 (LREM).
Mme Kerbarh, M. Touraine, Mme Bourguignon, Mme Pompili, M. Causse, M. Chalumeau, M. Chiche, M. Daniel, M. Delpon, Mme Cattelot, M. Cesarini, Mme De Temmerman, M. Eliaou, Mme Fontaine-Domeizel, M. Fuchs, M. Gaillard, M. Gouttefarde, Mme Marsaud, M. Martin, Mme Osson, M. Perrot, Mme Maud Petit, M. Questel, Mme Rossi, Mme Sylla, Mme Tiegna, Mme Toutut-Picard, M. Zulesi, M. Damien Adam, M. André, M. Arend, Mme Bergé, Mme Blanc, M. Borowczyk, M. Cormier-Bouligeon, Mme Françoise Dumas, Mme Forteza, M. Galbadon, M. Garcia, Mme Gayte, M. Giraud, Mme Gomez-Bassac, Mme Goulet, M. Henriet, M. Huppé, M. Julien-Laferriere, M. Kasbarian, M. Kerlogot, Mme Krimi, M. Laqhila, M. François-Michel Lambert, M. Lagleize, Mme Le Feur, Mme Le Peih, M. Matras, M. Mendes, Mme Michel, M. Morenas, M. Pont, Mme Pouzyreff, M. Raphan, Mme Rauch, Mme Riotton, Mme Mireille Robert, Mme Sarles, M. Savatier, M. Tourret, Mme Trisse, Mme Valetta Ardisson, M. Vignal, M. Waserman, Mme Pascale Boyer et M. Lauzzana
EXPOSÉ SOMMAIRE de l'amendement 35
Le deuxième alinéa du projet de loi pour un État au Service d’une Société de confiance prévoit de ne plus considérer comme des représentants d’intérêts les associations à objet cultuel.
Actuellement, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique définit en son article 18‑2 les associations à objet cultuel comme des représentants d’intérêts, sauf dans le cadre de leurs relations avec le ministre ou les services ministériels chargés de cultes.
Cette législation en vigueur est équilibrée : il est légitime que les associations à objet cultuel puissent interagir avec le ministère des cultes sans être considérées comme des représentantes d’intérêt. Cette relation s’inscrit dans le cadre d’un dialogue et d’un travail avec le ministère compétent.
En revanche, ces associations ont « pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire ». Elles entrent donc pleinement dans la définition des représentants d’intérêts fixée par la loi du 11 octobre 2013. Elles sollicitent régulièrement les administrations publiques, le gouvernement, les élus et notamment les parlementaires pour les sensibiliser à leurs opinions et tenter d’influer leur prise de décision.
Si elles représentent des idées, elles n’en sont pas moins des représentants d’intérêts, y compris financiers. Elles ont pu, par exemple, défendre leurs intérêts sur la question des dons par sms dans ce même projet de loi. Elles défendent alors un intérêt qui les concernent directement.
Au nom de la transparence de la vie publique, nous devons continuer de les considérer comme des représentants d’intérêts. Cela permet notamment à la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) d’informer les citoyens sur les relations existantes entre les représentants d’intérêts et les responsables publics grâce à un registre public.
Il n’est pas question de remettre en cause l’existence des associations cultuelles. Elles sont légitimes pour exprimer leurs points de vue sur les questions publiques. Mais pour des raisons élémentaires de transparence de la vie publique, elles doivent être reconnues comme des représentantes d’intérêts quand elles agissent en dehors du cadre de leurs relations avec le ministère des cultes.
Ces associations cultuelles doivent être placées dans la loi sur le même rang que les autres représentants d’intérêts.
L'article 38 adopté.
Le contenu de l'article 38 modifie l'état du droit actuel et de la fiscalité au bénéfice des cultes par deux moyens : le renforcement de leurs capacités de financement et la fin de l'obligation de se signaler à l'agence de contrôle de la transparence de la vie publique :
La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État sera donc modifiée :
1° À l’article 19, après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elles pourront posséder et administrer tout immeuble acquis à titre gratuit. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 21, après le mot : « unions » sont insérés les mots : « établissent des comptes annuels et ».
Au début de l’article 18-2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, les mots : « dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes » sont supprimés.
Avec ces deux modifications, les cultes "reconnus" (mais par qui ?) obtiennent une victoire substantielle leur permettant un retour vers un statut privilégié. Ils peuvent remercier les absents.
Recours possibles.
Le texte va passer maintenant au Sénat. Si les Sénateurs l'adoptent dans les mêmes termes, la loi sera définitivement adoptée. S'ils l'adoptent après modifications, il reviendra devant les députés qui auront alors, le dernier mot. Mais quelle confiance leur accorder après cette faute politique ?
C'est pourquoi, c'est aux citoyens, maintenant, d'en tirer toutes les conséquences, tant vis à vis des promoteurs de ces dispositions que des parlementaires qui n'ont pas fait l'effort d'être là quand il le fallait.
Ils peuvent aussi saisir le Conseil Consitutionnel. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 permet aux citoyens de saisir le Conseil Constitutionnel par le biais d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), disposition introduite dans la Constitution par l'article 61-1.
A suivre...
Merci à Martine Cerf, Secrétaire Générale de l'association EGALE.
Gérard Contremoulin
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