Lettre ouverte à Thierry Lepaon
Mon Cher Camarade,
Mes activités autant politiques que syndicales passées m'autorisent à te parler ainsi.
Tu accèderas tres probablement les 6 ou 7 novembre prochain au secrétariat général de la CGT en remplacement de Bernard Thibault. Dans la dernière ligne droite qui ty conduit, tu multiplies les déclarations et la presse s'en fait l'écho.
C'est ainsi que FR3 Basse Normandie les reprend à propos de ... la Franc-Maçonnerie ! Et le moins que l'on puisse dire, c'est que tu n'y vas pas de main morte ! Tu déclares : "Je ne suis pas franc-maçon, je ne l’ai jamais été et je ne le serai jamais".
Voila qui est clair. Et comme pour venir l'appuyer, tu poursuis : "J'ai lu une dizaine de livres sur la franc-maçonnerie pour comprendre comment ça marche". Aïe ! C'était effectivement mal parti. On peut lire beaucoup et ne pas comprendre car la Franc-Maçonnerie n'est pas dans les livres.
Tu indiques ta proximité de coeur avec le PCF et c'est d'ailleurs pour cela que tu en es membre sans briguer quelque responsabilité que ce soit dans ses instances. Dont acte !Même s'il est d'un autre âge, au moins éviteras-tu le bon vieux principe de transmission du camarade Vladimir Illitch Oulianov.
Reste alors cette bonne vieille idée de Grigori Zinoviev à propos de la Franc-Maçonnerie... Il en avait même fait la 22° condition de son fameux télégramme aux congrès des partis socialistes et sociaux démocrates d'Europe entre 1919 et 1920. En fait ce télégramme ne comptait "que" 21 conditions qui étaient celles de l'adhésion à la 3° Internationale, l'Internationale communiste (le KOMINTERN).
Cette fameuse "22° condition", ajoutée, interdisait l'appartenance à la Franc-Maçonnerie ! Et ceux des membres de la SFIO qui, au début des années 1920, étaient aussi Franc-Maçon durent choisir.
Certains restèrent Frères comme Ludovic-Oscar Frossard (L'Humanité), Marizet ou Antoine Coen qui deviendra Grand Maître de la Grande Loge de France.
On lira même, en 1922, sous la plume de Trotsky (!) cette mise en garde qui traduit la pensée bolchévique de l'époque : « La dissimulation par quiconque de son appartenance à la franc-maçonnerie sera considérée comme une pénétration dans le parti d'un agent de l'ennemi et flétrira l'individu en cause d'une tache d'ignominie devant le prolétariat" !!! (in "Les quatre premiers congrès de l'IC", pages195-198).
Alors, aujourd'hui, 90 ans après, où en sommes-nous mon cher camarade ? Réentendrons nous évoquer la "collaboration de classes", les "agents de l'ennemi" ?
En son temps, j'ai organisé la venue de Marie-George Buffet au Grand Orient de France au cours d'une réunion maçonnique ad equat. Ayant également fait de même avec Dominique de Villepin, tu pourrais y voir la preuve de cette "collaboration". Et tu te tromperais beaucoup. Ce qui intéresse les Francs-Maçons n'est pas l'étiquette pourvu qu'elle soit républicaine, ce sont les idées exprimées, les capacités à réfléchir devant nous, avec nous dans la perspective de l'amélioration de l'Homme et de la Société. Et l'auditoire est composé le plus souvent d'hommes et de femmes qui, à l'extérieur, se revendiquent "de droite" ou "de gauche" ou de "nulle part", voire de rien. Peu nous importe.
Et ce n'est pas dans les livres que l'on découvre ces choses-là. C'est pourquoi, si tu en exprimais l'envie, je suis certain que nous trouverions la circonstance pour te permettre de venir t'exprimer devant nous et de réfléchir avec nous sur le sujet de ton choix. Ainsi pourrais-tu te rendre compte par toi-même de ce que nous sommes, de ce que nous représentons, de ce à quoi nous travaillons. Alors, peut-être trouverais-tu matière à parler de nous, en connaissance de cause...
En souhaitant que ton envie de connaître prime sur quelques idées préconçues,
Je t'adresse l'expression très cordiale de mes salutations.
Gérard Contremoulin
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