Relations GODF-GLUA ou le "modeste médecin de banlieue" et le Duc de Kent...
Un Frère de la Grande Loge Unie d'Angleterre (GLUA ou United Grand Lodge of England-UGLE) viendra prendre la parole au siège du Grand Orient de France (GODF), rue Cadet, à l'invitation de la Loge "L'Internationale". Cette information, diffusée par François Koch sur son blog se veut être un scoop.
Et c'en est un ! Ce frère risque, en venant rue Cadet, l'exclusion, ni plus ni moins.
Les relations entre les deux obédiences ont été et sont toujours inexistantes. Pour cause de suppression de "l'obligation de croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme" (voeu n°IX du Convent de 1877), la GLUA ne reconnaît pas aux membres du GODF la qualité de Franc-Maçon. Cette disposition a été ajoutée dans la rédaction de 1989 de la "règle en 8 points". Elle en constitue explicitement le 8° !
En d'autres temps, en 1738, 10 annnées après l'apparition en France des premières loges maçonniques, le Vatican, par la bulle "In eminenti" du Pape Clément XII, avait prononcé la première excommunication des Franc-Maçons. Par ailleurs, la GLUA ne reconnait absolument pas l'initiation des femmes...
La parole de ce Frère, qui nous est présenté comme un ancien dignitaire, est donc bien évidemment attendue et je ferai mon possible pour l'écouter.
Est-elle pour autant cet "un évènement historique" dont parle François Koch ? Je suis plutôt d'avis d'attendre de l'avoir entendu pour apprécier...
En effet, le Grand Orient de France est une obédience maçonnique empreinte de républicanisme, de laïcité et de démocratie. Elle refuse de considérer qu'il puisse y avoir une quelconque vérité révélée qui pourrait s'imposer à toutes et tous mais, dans le même temps, elle n'interdit à aucun de ses membres d'en reconnaître une pour lui et les siens. C'est cette coexistence de deux explications du monde, apparemment contradictoires, qui rend possible la démarche maçonnique libérale adogmatique, telle que nous la pratiquons au GODF. Telle n'est pas le cas à la GLUA et à la GLNF, l'obédience qui était, jusqu'à ces dernières semaines, sa représentante en France !
Dans ce contexte, on comprend mieux que la Grande Maîtrise de l'obédience anglaise soit réservée à un proche de la Reine, membre de la famille royale, en l'occurrence au Prince Edward, Duc de Kent. Rappelons aussi que la Reine est chef de l'église anglicane (depuis Henry VIII en 1533, réaffirmé en 1559 par Elisabeth 1°). La déférence qui lui est due en cette qualité est d'essence royale. Il tient sa légitimité de son sang royal et est respecté à ce titre ! Pour faire fonctionner l'obédience, il est d'ailleurs assisté du "Pro Grand Master", qu'il désigne.
La charge de Grand-Maître, dans une obédience libérale adogmatique comme le GODF, est au contraire d'essence démocratique. Son titulaire détient sa légitimité de son élection par ses pairs. Il ne reconnait ni ne pratique aucune allégeance envers qui que ce soit, a fortiori un détenteur de titre royal... Quelle qu'ait pu être son activité passée, professionnelle, associative ou élective, il est porteur, pour la durée de son mandat, des idéaux et des valeurs de son obédience, "primus inter pares", le premier d'entre les égaux.
Les relations éventuelles entre le Grand Maître du GODF et le Grand Maître de la GLUA ne peuvent se situer qu'à un niveau essentiellement maçonnique.
S'il y avait l'opportunité de nouer un tel contact, le premier du genre, ce serait, là, LE véritable fait historique. Bien au delà d'un rendez-vous entre "un modeste médecin de banlieue" et le Duc de Kent !
Gérard Contremoulin
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