Athée, on le devient...
Logo symbole de l'Athéïsme
Je n'ai aucun mérite d'être devenu athée. Paradoxalement, on ne m'a pas laissé d'autre choix.
Sapere aude : "Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Telle est la devise des Lumières" nous dit Kant dans "Was ist Aufklärung?". Mon frère Jean-Charles N. me faisait remarquer que dans cette traduction, manquait l'idée de goùt, l'envie de... Cela m'a renvoyé à cette année de philo en terminale, avant le bac, là précisément où j'ai découvert l'envie de...
Jusque là, j'étais assidu aux "cours" de catéchisme, aux rencontres avec l'aumonier du lycée. Je participais aux activités de ma paroisse : chorale, entre autres, etc... Bref, j'étais un "bon petit catho" !
Ma terminale.
A cette rentrée j'eu, ce qui devait se révéler comme une chance, de "tomber" sur un professeur de philosophie, M. Almaleh, qui avait dù, par une attention particulière accordée aux parcours de ses élèves, concevoir le projet de nous (car je n'étais pas le seul) de nous amener donc à approfondir notre foi catholique en l'éprouvant à l'aune de la Raison ou ... à l'abandonner. Mais en tout état de cause, à le faire de propos délibéré !
Merveilleuse intelligence professorale qui, plutôt que l'argument d'autorité, avait préféré celui, plus long, moins assuré mais beaucoup plus pérenne, de la réflexion.
Le premier trimestre fut celui de la confrontation. Le passage au tamis de la raison d'une Vérité qui m'avait été présentée jusque là comme intangible puisque "révélée" et qui prenait un relief tout particulier car transmise par l'autorité de l'éducation familiale. Eh oui... l'autorité ! Celle qui apprend à dire "bonjour", "au revoir", "s'il vous plait" et "merci"... Là, "je vous parle d'un temps que......."
Savoir utiliser ses propres moyens.
Oser penser par soi-même, oser affronter les certitudes sur lesquelles notre éducation a été construite, c'est une déstabilisation fondamentale. C'est une solution de continuité où l'on prend conscience que ce que l'on a appris et sur lequel devait se construire la suite de la vie est en réalité un choix idéologique fait en notre nom par nos parents, une simple "option" qui nous est néanmoins présentée comme La Vérité, quasiment indiscutable !!!
Cette remise en cause, salutaire, me fit apparaître que l'acte de croire n'était donc pas inéluctable. On pouvait, sans crainte de n'être plus soi-même, ne plus croire et même purement et simplement, abandonner l'acte de foi ! Mazette... C'était entre octobre et décembre 1963.
Cher M. Almaleh. Pédagogue émérite qui sut me faire découvrir la voie du raisonnement et de cette capacité qui serait essentielle pour moi : pouvoir choisir par moi-même...
Aujourd'hui.
Si cette phrase paraît bien naïve et sans beaucoup de risque, et pour tout dire très "bobo", c'est que nous nous sommes habitués à un grand confort intellectuel et moral. Beaucoup, dans le monde, ne les ont pas !
Après une quarantaine d'années de militantisme politique et syndical dans la société civile et trente quatre ans de maçonnerie, et quoique restant fidèle à ce que j'y ai appris, je privilégie sans conteste l'approche maçonnique, l'approche par le Libre Arbitre..
Si le militantisme m'a finalement appris la gestion des groupes humains dans la stratégie de conviction et de défense d'intérêts légitimes, la franc-maçonnerie m'a fait revenir à la méthode de ce professeur de philo : oser penser par soi-même, c'est-à-dire accepter ce principe, non seulement pour soi, mais pour tout individu, y compris évidemment celui ou celle qui sont les plus éloignés de mes choix ! Reconnaître le "oser penser" c'est nécessairement oser l'altérité. Et même, la rechercher pour y puiser de quoi approfondir et vérifier ses propres convictions ou ... les abandonner.
Oser l'altérité.
C'est d'abord la pratique du respect de l'autre, de sa pensée, des voies selon lesquelles il conduit son raisonnement. Partant, c'est acquérir le droit à la "dispute", cette manière de pratiquer le "commerce des hommes" de Montaigne.
Se parler ce n'est pas forcément être d'accord, c'est même précisément le contraire. C'est avoir le courage d'envisager toute la différence entre l'autre et soi, c'est parcourir tout le chemin qui sépare deux pensées. Dès lors, c'est brosser le tableau de l'humanité. C'est l'expression de la plus absolue désapprobation des totalitarismes dans le domaine de la pensée, de tous les absolus ; c'est en revanche le panégyrique de la rencontre des différences, c'est l'apologie des bigarrures, des métissages...
D'où la véritable phrase de Saint-Exupéry (et non la version qui figure dans le hall de la rue Cadet) : "si je diffère de toi, loin de te léser, je t'augmente !" (in Lettre à un otage, la 6°)
Cette confrontation reste néanmoins un challenge permanent. La franc-maçonnerie en créée les conditions. La loge est un espace où se frottent les personnalités, les options individuelles, les convictions. Mais elle en "gère" les conditions dans les formes rituelles qui remettent toujours l'Homme, le franc-maçon, Soeur ou Frère, devant la nécessité absolue du respect de l'autre.
Si l'on peut -au GODF- parler de tout, on ne peut pas le faire n'importe comment ! Et tout "l'apprentissage" est là : dans la forme, cette incontournable forme dont le respect seul rend possible le travail au fond.... Prosélytisme et franc-maçonnerie ne font pas bon ménage.
Le franc-maçon est celle ou celui qui accepte de n'être pas d'accord a priori, qui est friand de la différence mais qui ne lui accorde aucun droit spécifique. Etre différend est l'évidence humaniste ; l'ériger en contradiction indépassable de revendication de droits spécifiques à ces différences n'est rien d'autre que la base du communautarismer, c'est-à-dire l'exact contraire de l'humanisme.
Le culte du droit à la différence ne conduit qu'à établir la différence des droits. Ce que tout franc-maçon ne peut que rejeter, militant amoureux qu'il est de l'égalité entre les être humains.
Et il me faut avouer que cette réflexion rebondit sur cet article récent que j'ai commis sur l'incompatibilité entre les valeurs de l'extrême droite et particulièrement le Front National et celles de la Franc-Maçonnerie. Au coeur de tout système de valeurs il y a à considérer la place qu'il accorde à l'homme, à la femme et à l'égalité entre eux. Dès lors que les termes de la "dispute" sont ainsi posés, le débat peut s'engager. La grille de lecture humaniste peut alors nous permettre d'y voir clair.
Gérard Contremoulin
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