La LNF quitte la confédération. Conséquences...
"
J'ai le regret de t'informer que le Conseil National de la Loge Nationale Française a décidé de suspendre sa participation au chantier de la confédération."
Ainsi commence la lettre que Robert GUINOT, Président du Conseil National de la LNF, a adressé vers 18h00 ce 21 février, à Marc HENRY, Grand-Maître de la Grande Loge de France, lettre que vous trouverez en entier ici.
La LNF prend acte de la situation actuelle des négociations, met en avant ses priorités et observe les points de désaccords.
Parmi ceux-ci, la question des intervisites, maintes fois évoquées dans ces colonnes ! La LNF n'envisage pas une seule seconde de rompre avec ses pratiques de 45 années basées sur la création d'un "espace de débat à toutes les composantes de la Franc-maçonnerie".
La goutte d'eau.
Mais le plus surprenant vient du début de cette lettre qui expose le facteur déclenchant de cette décision sur laquelle revient François Koch.
Roger Dachez, président de l'Institut Maçonnique de France, historien reconnu de la Franc-Maçonnerie, a été interdit de parole par le Conseil Fédéral de la GLDF dans deux loges de cette obédience à la suite d'un article qu'il a signé, parmi tant d'autres, dans le numéro spécial "d'Historia-Le point", article sur les origines de la GLDF et dont certains hiérarques de la rue Puteaux y ont vu une trahison ! Le titre de l'article : "La Grande Loge de France existe sans discontinuer depuis 1738 : FAUX !"
L'explication assez maladroite donnée par Marc Henry enfonce un peu plus le clou :
Le Conseil Fédéral s'est ému de l'article d'Historia, factuellement faux, et j'ai proposé aux deux loges ayant invité Dachez d'y associer un historien à nous."
Ce qui, on en conviendra, chez une obédience qui s'interdit toute considération politique, relève pour le moins d'une connotation ... mal maitrisée !
Ce qui provoque ce commentaire de Roger Dachez :
Il est hors de question que j'aille parler en loge sous le contrôle d'un commissaire politique. J'ai d'ailleurs écrit à Marc Henry que je ne suis pas un collaborateur de l'Encyclopédie soviétique. C'est une atteinte à ma réputation internationale d'historien de la franc-maçonnerie."
Mais quelle mouche a piquée la rue Puteaux ?
Pourquoi choisir comme cible, qui plus est à un moment délicat du processus de RPMF, un franc-maçon de la classe et de l'élévation de Roger Dachez ? Très sincèrement cela rélève au mieux d'un manque évident de discernement.
La conférence qu'il donnait hier soir rue Cadet aura montré aux nombreuses et aux nombreux participants d'abord l'étendue et la précision de ses connaissances et surtout sa capacité à en parler d'une manière singulièrement efficace. Sous ses mots, les réalités complexes deviennent des choses palpables, perceptibles, des petits êtres presque familiers... Et ce n'est pas si simple par exemple de faire comprendre d'abord ce qu'est l'esprit anglais du XVIII° siècle au moment de la rédaction des Constitutions d'Anderson, les deux rédactions (1723 et 1738) et leurs différences ; puis en quoi l'esprit anglais nécessite de notre part une attention particulière pour saisir le véritable sens donné à la religion dans une société presbytérienne, nous qui sommes issus d'une société "post catholique". Mais je reviendrai prochainement sur cette conférence.
Pourquoi avoir été aussi irrespectueux de l'esprit d'indépendance de Roger au point de proposer qu'il soit accompagné d'un "historien à nous" ? Plus qu'une indélicatesse, c'était une provocation ! Ce fut ressenti comme tel.
De fortes tensions entre les futurs confédérés.
Certes, on sentait bien depuis quelques temps une certaine montée de pression autour des questions comme la conception du GADLU, l'initiation des femmes et particulièrement celle des "intervisites".
Sur ce dernier point, la position de Marc Henry était très différente de celle d'Alain Juillet qui, finalement, souhaitait continuer l'habitude d'ostracisme prise à la GLNF : interdiction de toute intervisite avec des "non réguliers". Mais il y était légitimement fondé puisque c'est l'exigence de la Déclaration de Bâle...
Pour Marc Henry, les 5 Grandes Loges régulières européennes ont considéré et ont déclaré que la GLDF travaillait d'une manière régulière, puis sont venues lui proposer de prendre la tête d'un travail de refondation. Le Grand Maître de la GLDF a cru pouvoir considérer que, dans ces conditions, les Grandes Loges prendraient la GLDF comme elle était !
Position logique mais bien hasardeuse avec des partenaires comme la GL-AMF d'Alain Juillet, puis la GLIF, nouveaux nés de quelques semaines à quelques jours, et très influencées encore par la "mère" GLNF. Et surtout n'ayant JAMAIS vécu que dans l'ostracisme le plus total des interdictions d'intervisites !
Quelles conséquences au départ de la LNF ?
Elles sont surtout morale et stratégique.
Morale car la position de sérieux et d'une certaine sagesse de la LNF va, maintenant qu'elle quitte le processus, avoir tendance à accentuer les tensions autour de l'opposition ouverture-intransigeance.
Stratégique car les relations à 4 partenaires ne sont plus arbitrables de la même manière, et en tout état de cause, qu'à 5. Ce qui risque de favoriser les tendances centrifuges et de préparer d'autre(s) départ(s)...
Et puis, il y a les regards extérieurs.
Ce sont eux qui vont proposer d'accorder ou non la "Régularité".
D'abord les 5 Grandes Loges européennes avec le leadership de la Grande Loge Régulière de Belgique. Elles vont devoir réexaminer les nouvelles conditions du processus et proposer un arbitrage sur les questions en suspens.
Ensuite la réunion des Grands Maîtres des Grandes Loges Régulières américaines, à Kansas City. Faisant un bilan de leurs relations, établies, suspendues ou annulées, avec les autres Grandes Loges Régulières dans le monde, elles dressent un état par pays. Il semblerait que pour la France, leur avis s'orienterait vers une rédaction du type : "la situation de la GLNF va en s'améliorant". Si cela se confirmait, le message envoyé serait clair : absence totale de prise en compte de la RPMF et attente que la situation se rétablisse sous la Grande Maitrise de Jean-Pierre Servel pour renouer leurs relations avec elle... Ce dernier étant d'ailleurs présent avec Jean-Claude Tardivat, de même qu'Alain Juillet.
Et ainsi de suite jusqu'à ce que, après que toutes les Grandes Loges se seront prononcées sur la situation française, la Grande Loge Unie d'Angleterre puisse se prononcer, rappelant ainsi, mais est-ce vraiment contesté, que c'est elle qui décide !
Alors quid de la GLDF ?
Les Grandes Maîtrise d'Alain Graesel et d'Alain-Noêl Dubard auront préparé un projet qui s'est développé en partie avant et en partie avec la crise de la GLNF. Ce projet, Marc Henry en aura hérité lors de son élection. Mais, chose curieuse, le pilotage en a été confié à Alain-Noel Dubard... Si l'on se rappelle que Marc Henry a été le candidat malheureux contre AN Dubard, on ne peut imaginer contexte moins favorable !
Dans ces conditions, ne serait-il pas injuste que Marc Henry payât le prix fort d'un échec de ce processus alors qu'il n'en avait pas réellement la maîtrise ?
Le débat est maintenant entre les mains des Frères de la GLDF. Et dans la diversité des arguments, peut-être est-il utile de rappeler que le GODF est aussi une tradition d'accueil et que les visiteuses et les visiteurs, d'où qu'ils viennent, sont les bienvenus...
Gérard Contremoulin
______________________________________________________________